Financement des initiatives justice : une urgence démocratique

Pour les associations, les financements publics se font rares. Pour autant, fondations et institutions restent sensibles aux projets qui œuvrent pour l’inclusion de personnes condamnées par la justice.

Le 20 juin 2024 à Paris, les neuf porteurs de projets d’inclusion de personnes condamnées par la justice accompagnés par Act’ice ont eu l’occasion de faire de belles rencontres. L’occasion pour eux de présenter leurs projets et de croiser leurs regards avec ceux de responsables de fondations, d’administrations, ministère de la Justice…

En tout, 42 personnes étaient présentes pour échanger sur le financement de projets d’innovation sociale pour la réinsertion des personnes condamnées.

Financement compliqué

«Le financement du monde associatif est une urgence démocratique», s’alarme Fanny Zunino, citant le récent rapport du CESE. En effet, le monde associatif n’a jamais été dans une situation économique aussi difficile, avec une baisse constatée de 42% en 15 ans de la part des financements publics dans leurs budgets, au profit de sources marchandes.

Le constat est partagé par Theodora Esanou, de la Fondation de France. «De plus en plus d’associations disent qu’il est compliqué d’obtenir des financements». Face à cela, la Fondation travaille à faire évoluer ses modalités de soutien vers plus de transversalité, plus de soutiens non fléchés, plus de financement du fonctionnement… «Les appels à projets par programme, en silo, ne facilitent pas la tâche des porteurs de projets.»

Theodora Esanou, Fondation de France.
Theodora Esanou, de la Fondation de France.

Logique de guichet

Albin Heuman aussi affirme ne pas être «fan des appels à projets : on lance un filet et on voit ce qui ressort». Cependant, son agence du ministère de la Justice, l’Atigip, ne peut pas financer selon «une logique de guichet». S’il reconnaît la nécessité de financements pluriannuels, il fait remarquer que l’Etat suit une annualité budgétaire.

Or, la réinsertion des personnes condamnées nécessite du temps long, comme le souligne Pierre-Jean Petit, de la fondation Îlot Avenir. «Se mettre en consortium peut aider les associations à changer de vision. Comme la course aux financements les met en situation de concurrence, elles peuvent ainsi retrouver une posture de coopération. Cela peut leur permettre d’aller vers des financements complexes comme le Fonds social européen, à condition d’avoir la trésorerie nécessaire».

Albin Heuman, Atigip.
Albin Heuman, directeur de l'Atigip.

Changement de regard

Quoiqu’il en soit, chacun reconnaît la nécessité de s’engager auprès des porteurs de projets qui favorisent la réinsertion des personnes condamnées.  «Les personnes sous main de justice sont des citoyens, affirme aussi Theodora Esanou. Il est important d’accompagner leur réinsertion afin qu’elles retrouvent leur place au sein de la société »

«L’enjeu est celui d’un changement de regard, confirme Pierre-Jean Petit. Il faut revisiter la notion d’enfermement, et acter le principe d’une deuxième chance qui passe par l’insertion par le travail, l’accompagnement hors les murs.» «C’est une des conditions d’une société plus apaisée, car l’inclusion assure la paix sociale», conclut Albin Heuman.