Trois manières d’essaimer

Dissémination, franchise, interne : quand une entreprise sociale veut faire des petits, elle a plusieurs manières de se reproduire. Vous êtes un peu perdu·e ? Pas nous. Alors laissez-nous vous guider.

Attention, on va parler un peu technique. Vous êtes dirigeant ou dirigeante d’une entreprise sociale quelque part en France, et vous voulez faire bénéficier de votre action à d’autres personnes sur un territoire du Rhône, de la Loire, de l’Isère ou de la Drôme ?

Mais si vous voulez rester bien au chaud dans votre région d’origine, vous allez devoir missionner une personne qui développera votre action sur votre nouveau territoire. Alors comment faire ? Comment définir les relations qui lieront votre organisation à cette nouvelle entité ?

Il y a trois grandes possibilités, ce qu’on appelle des modèles d’essaimage.

Modèle 1. L'essaimage externe ou dissémination

L’idée est de diffuser son savoir-faire à d’autres acteurs afin qu’ils s’approprient votre démarche. Le procédé pourra être plus ou moins formalisé, avec par exemple des formations et un accompagnement.

Avantage. Vous développez votre impact, votre influence et votre visibilité sans nécessairement faire grossir votre structure et sans faire de gros investissements. Small is still beautiful, comme on dit.

Limite. Vous ne contrôlez pas forcément ce que deviendra votre idée sur le nouveau territoire. Si votre projet est d’essaimer dans plusieurs régions, les choses peuvent se compliquer.

Exemple

Le réseau Andes

Le réseau Andes (Association Nationale de Développement des Epiceries Solidaires) a été créé à l’initiative du premier créateur d’épicerie solidaire.

Aujourd’hui, les épiceries solidaires naissent le plus souvent à l’initiative de travailleurs sociaux ou d’institutions comme les conseils départementaux. Le réseau valide ou non chaque projet, ce qui permet à celui-ci de bénéficier de son expertise et de son image.

Andes se contente de répondre aux sollicitations et n’effectue aucune démarche volontaire pour initier de nouveaux développements.

Modèle 2. La franchise ou le réseau

La maison mère crée un réseau d’organisations autonomes qui s’engagent contractuellement à respecter un certain nombre de principes.

Quand ce transfert est formalisé, on appelle cela une franchise sociale, par analogie avec l’autre économie, celle qui n’est ni sociale, ni solidaire. Mais dans notre cas, le développement du réseau est guidé par l’impact social et la coopération plus que par le fait de seulement faire fructifier une marque. La maison-mère apporte des directives claires sur l’utilisation de ses procédés et de sa marque.

On parle de réseau quand l’essaimage est guidé par des principes plus souples, avec par exemple des chartes d’engagement.

Avantage. Avec un système bien cadré, on peut facilement répliquer sa solution.

Limite. Il faut pouvoir fournir un accompagnement conséquent à l’organisation franchisée.

Exemple

La Table de Cana

 La Table de Cana est une entreprise d’insertion créée dans les années 80 par un prêtre ouvrier qui voulait faire travailler des SDF à travers une activité de traiteur.

Aujourd’hui, le réseau est composé de 9 entreprises indépendantes les unes des autres, et dans lesquelles l’entreprise historique n’a pas de parts. Ces dernières années, le réseau a souhaité relancer son développement sous forme de franchise.

Dans la Drôme, Clément Nicot développe donc une structure indépendante. Il a une liberté totale pour s’adapter aux besoins des clients de la région, tout en bénéficiant d’une marque forte implantée à Paris, Marseille, Lyon, Bordeaux…

L’association nationale est cependant très impliquée pour l’accompagner dans son développement. Elle met à disposition des bénévoles : relecture du business plan, mutualisation d’une veille d’appels à projets, appui financier, mutualisation d’un expert comptable.

Modèle 3. L'essaimage internalisé

Le développement est porté et financé en propre par l’entreprise sociale qui missionne un membre de son équipe ou recrute un développeur salarié. L’organisation mobilise donc ses propres moyens, en fonds propres ou en financements externes.

Avantage. Cette organisation peut rassurer les financeurs. Elle apporte plus de proximité avec les développeurs locaux.

Limite. Elle peut présenter un risque pour l’ensemble de la structure si le développement échoue.

Exemple

Jeune & Rose

Jeune & Rose se définit comme un collectif de jeunes patientes touchées par le cancer du sein, à la fois réseau d’entraide et porteur d’actions de sensibilisation.

L’association a été créée à Bordeaux par deux jeunes patientes. Elle emploie aujourd’hui trois salariées à son siège en Nouvelle-Aquitaine.

Touchée par cancer du sein en 2016, la Ligérienne Angélique Duprey a d’abord relayé bénévolement les actions du siège. Puis, devant le nombre de sollicitations en Auvergne-Rhône-Alpes, l’association décide de créer une antenne avec un poste salarié.

Il s’agit d’un établissement secondaire : numéro de Siret à part et même Siren. Cette organisation permet à Angélique de rechercher des financements auprès de collectivités locales qui pourraient rechigner à financer une association bordelaise. D’un autre côté, l’association qui se définit comme un collectif, n’imaginait pas créer deux associations différentes.