Reconstruisons des filières alimentaires locales dans la métropole lyonnaise

Avec la Métropole de Lyon, Grap et Alter’Incub, nous avons lancé cette année un accompagnement au développement spécifique pour les acteurs de l’alimentation locale, bio, sociale et solidaire. Le but : construire des filières cohérentes à l’échelle du territoire lyonnais.

Dans notre société, il y a peu de fragilités sur lesquelles les confinements n’aient pas jeté une lumière révélatrice. Les fragilités des grands systèmes de distribution en sont une, en particulier pour ce qui touche à nos besoins de base comme l’alimentation.

La Métropole de Lyon n’avait pas attendu cette crise pour dresser des constats, dans une étude parue en 2019.

Premier constat : les produits agricoles issus du territoire ne représentent que 4,6% de l’assiette alimentaire des habitants, alors que 95% de la production agricole locale est exportée. « Notre système de production est excessivement spécialisé, très centralisé, commente Jérémy Camus, vice-président à l’agriculture et l’alimentation de la Métropole. Or, en cas de crise, des chaînes de distribution plus courtes sont plus sécurisées. »

Second constat : un tiers des ménages métropolitains déclarent ne pas avoir les moyens de s’alimenter correctement, et 15 % d’entre eux ne mangeraient pas à leur faim.

Petites structures résilientes

Face à cela, l’économie sociale et solidaire a créé de nombreuses initiatives. « Ce sont de petites structures de transformation et de distribution adaptées à un territoire ou à une problématique sociale. Au contraire des complexes industriels, celles-ci permettent d’augmenter la résilience », estime Hélène Le Corre, codirectrice de Grap.

Les exemples sont nombreux (voir encadré). La coopérative de producteurs Bio à Pro fournit aux acteurs de la restauration collective des produits bio et locaux. Le Gesra fédère une quarantaine d’épiceries sociales dans dix départements de la région. Goût’chou cuisine depuis six ans des petits plats bio et locaux adaptés aux crèches…

Ces acteurs marquent une différence au regard de l’économie classique. « Les statuts de notre coopérative définissent que notre objectif est de participer à la transition du système alimentaire du Rhône et de la Loire, explique Julia Girard, directrice adjointe de Bio à Pro. Toutes nos actions sont dirigées dans ce sens. Nos revenus n’ont de sens que pour soutenir ce projet et cette vision. »

Chaînons manquants

Pour passer du producteur local au consommateur, difficile d’envisager un maillon de la chaîne de manière isolée. Pas de distributeurs sans transformateurs, pas de transformation sans culture, pas de culture sans sols…

C’est pourquoi la Métropole de Lyon entend intervenir sur toute la chaîne, de la semence à l’assiette : action foncière, ferme semencière, maraîchers en régie directe, légumerie, acteurs logistiques, commande publique pour la restauration collective. « Notre objectif, c’est de développer tous les outils manquants, indique Jérémy Camus. L’un des chaînons manquants, c’est le manque d’outils de transformation et de logistique présents sur le territoire qui permettrait de capter la valeur agricole du territoire qui aujourd’hui part dans de grandes filières à l’extérieur. »

En effet, la transition ne peut pas être une simple substitution. « Dans certaines cantines, on peut avoir deux cuisiniers pour 400 repas : on ne peut pas travailler des produits bruts, locaux, bio, et 100% de fait maison dans ces conditions, explique Julia Girard. Il faut former les cuisiniers, revoir la façon de faire les menus… Au-delà des besoins en matériel, cela demande de penser un écosystème. »

C’est ainsi que Bio à Pro fait la différence avec les grands groupes de la logistique alimentaire. Julia Girard définit son entreprise comme « un acteur qui crée du lien. Producteur, transformateur, cuisinier, gestionnaire, diététicien… C’est tout un travail de pédagogie pour créer plus de lien dans l’écosystème alimentaire. Si on ne les fait pas discuter, se rencontrer, la transition ne prendra pas une dimension suffisante. » La coopérative a même entamé un chantier afin d’ouvrir sa gouvernance aux transformateurs, logisticiens, cuisiniers et convives.

Changer d’échelle

Pourtant, si ces acteurs sont pertinents, ils sont encore de taille modeste. Pour une petite entreprise de la transformation, le fait de changer d’échelle n’a rien d’une promenade de santé. Les clients de Goût’chou sont 150 crèches, principalement associatives, attachées à la qualité alimentaire des tout-petits. « Nous faisons la différence sur le goût : on a une légumerie, on cuisine tout maison, c’est une petite production, explique Amandine Prat, fondatrice de l’entreprise. Je connais mes clients et je ne manque pas de demande ! »

Aujourd’hui, Goût’chou se rapproche du maximum de capacité de sa petite cuisine centrale. Seulement, au moment de se porter candidate au programme développement, Amandine est à la croisée des chemins : réinvestir ou plafonner ? « Il y a sept ans, le budget de construction de ma cuisine centrale était de huit cent mille euros. Aujourd’hui, avec la hausse des coûts, recréer une seconde cuisine sur Lyon me coûterait deux fois plus. » Avec l’accompagnement, elle prendra donc le temps de mieux structurer sa gestion avant d’envisager un tel investissement.

Pour Bio à Pro aussi, la croissance, dopée par la commande publique, appelle des ajustements. Le chiffre d’affaires de la coopérative a bondi de 40 % cette année. « Cela met en tension une entreprise », remarque Julia Girard qui prépare le déménagement de son entrepôt et prévoit la modernisation de sa gestion informatique. « La marche est haute ! »

Accompagner la stratégie

Pour rendre possible ce changement d’échelle, s’organiser pour s’inscrire dans une chaîne de valeur, ces acteurs ont besoin d’être accompagnés. Dans ce but, nous avons lancé un accompagnement dédié, en partenariat avec la Métropole de Lyon, Grap et Alter’incub. « Chez Ronalpia, l’accès à une alimentation locale et de qualité à toutes et tous nous apparaît comme une priorité, explique Josépha Poret, directrice de l’association. Pour cela, avec Alter Incub, nous avons décidé d’allier notre savoir-faire de l’accompagnement et de la mise en réseau à l’expérience de terrain des métiers de l’alimentation que possède le Grap. »

Objectif : accompagner le changement d’échelle des entreprises sociales qui agissent pour la transition alimentaire de notre territoire, et faciliter leur coopération avec les acteurs privés, publics et associatifs. De quoi aider les entreprises sociales du secteur à prendre le recul stratégique nécessaire à un véritable changement d’échelle.

Les autres entreprises sociales de l’alimentation accompagnées en 2023

Gaïa Lyon œuvre pour le lien social à travers la pratique du maraichage urbain afin de sensibiliser les personnes à une alimentation saine.

Tress est un collectif qui réunit des traiteurs et foodtrucks engagés dans l’alimentation durable et qui accompagne les organisateurs d’événements sur la mise en place de solutions de restauration durable.

Potinambour propose des ateliers en rapport avec l’alimentation et sa production. Par la cuisine et le jardinage, elle accompagne les citoyens notamment les plus fragiles.

Label(le) Brûlerie est une torréfaction de café artisanale née à Lyon en 2018. La coopérative propose une offre de cafés spécialisés de qualité, 100% biologiques et équitables : sourcés en direct producteur à un prix juste.

Les Fermes Partagées contribuent à l’émergence de l’agroécologie coopérative en faisant vivre un mode d’organisation agricole différent pour une agriculture biologique locale et résiliente.

Rhône-Saône Légumes a créé une légumerie industrielle à Mornant. Elle emploie des personnes en insertion.

Les partenaires de l’accompagnement

Depuis 2021, avec Alter’Incub, nous unissons nos forces sur le programme Développement de la métropole de Lyon. Notre coopération permet de faire profiter aux entreprises sociales accompagnées de nos expertises et réseaux respectifs, en particulier sur les questions de stratégies de développement, de structuration de l’activité et de renforcement du modèle économique.

Alter’incub apporte une expertise particulière sur l’innovation au service de l’intérêt général en collectif, notamment pour les coopératives. Chez Ronalpia, nous accompagnons et favorisons la mise en réseau avec les acteurs du territoire.

Grâce au partenariat noué avec le Grap, un accompagnement spécifique alimentation est proposé à 5 projets au sein du programme développement. Crée en 2012, le Grap est une coopérative forte de plus de 65 activités à l’échelle régionale. Elle apporte son expertise d’accompagnement des acteurs de la transformation et de la distribution alimentaire bio locale, via des services supports mutualisés (social, administratif, informatique, logistique …) et de l’accompagnement individualisé.